Avion, tapis-volant, voiture de course... Les adeptes du foil ne cessent de jouer de métaphores et d'analogies pour essayer de décrire et de transmettre la sensation unique ressentie sur un foil. « C'est comme quand un avion décolle, lance Laird Hamilton. Vous sentez que ça arrive, et dès que c'est le cas, le feeling est incroyable. »
Cette impression de liberté a encouragé les pionniers du foil à toujours pousser plus loin les limites de cette pratique. « Quand j’ai eu la chance d’essayer un foil pour la première fois, au début des années 2000, se rappelle Bruno André, j’ai tout de suite vu l’énorme potentiel des nouvelles sensations. » Depuis, l’entrepreneur breton jongle entre toutes les disciplines : kitefoil, surf foil, wingfoil ou même du stand-up paddle foil.
Cette émotion unique frappe les nouveaux pratiquants dès les premières vagues. « La première fois, je me suis dit : Ça vole tout seul, c’est incroyable”, sourit Samuel Michaille, kitesurfeur semi-professionnel et professeur de kitefoil et de wingfoil dans la baie du Havre. C’est tellement surprenant. On est émerveillé comme un enfant de 8 ans à Noël ! »

Si les sensations sont meilleures pour beaucoup d'amateurs de foil, c'est aussi car l’engagement physique n'est pas le même. « À un niveau loisir, le foil demande moins de force, moins de résistance, décrypte Samuel Michaille. Je connais des gens de 40 ans qui ont appris le kitesurf. Très vite, ils sont passés au foil parce qu’ils ont des problèmes de genoux et qu’en foil, ça les fatigue beaucoup moins ! Sur les spots, on peut même rencontrer des anciens, jusqu’à 80 ans ! »
Une contrainte physique moindre que Thomas Lombardo, espoir du kitefoil français, a remarqué dès ses premiers essais en foil, il y a quelques années : « Même dans les vagues, le foil permet d’éviter le clapot qui va venir taper et freiner la planche. » À vitesse équivalente, les sensations du foil sont décuplées et l’engagement physique nécessaire réduit. « Même dans du vent léger ou face à des vagues qui peuvent te freiner, tu peux aller vite », s’enthousiasme Thomas Lombardo.
En octobre 2021, lors de l'événement Prince of Speed, à La Palme, près de Narbonne (Aude), le kitesurfeur de 23 ans s’est approprié un double record du monde de vitesse en kitefoil. Sur le mille nautique, avec une moyenne de 34,72 nœuds (64,3 km/h) et sur le 500 mètres, battu depuis, avec une moyenne de 35,81 nœuds (66,3 km/h).
Trop juste pour détrôner la performance de Sylvain Hoceini, recordman du monde de vitesse en kitesurf classique sur un mille nautique avec une vitesse moyenne de 39,11 nœuds (72,4 km/h). Et loin de la performance d’Alex Caizergues, qui a dépassé, sur une distance plus courte (500 mètres), la barre symbolique des 100 km/h. Le quadruple recordman du monde de vitesse en kitesurf (2007, 2009, 2013 et 2017) a atteint en 2017 une vitesse de 57,97 nœuds, soit 107,36 km/h.
Mais Thomas Lombardo en est sûr, le potentiel du foil est énorme. « Lorsque j’ai battu mes records, les conditions de vent n’étaient pas très fortes. Il y avait des trous d’air. »  Pour lui, ce n'est qu'une question de temps avant que les records ne tombent, en kite ou dans les autres disciplines. Et il compte bien en être. « Pour l’instant, les supports classiques ont l'avantage de l'expérience. Mais avec un foil mieux adapté et des conditions parfaites, je peux aller plus vite. »
Une explosion de sensations. Un silence absolu. Jusqu’au crash… « À ce moment-là, avec la hauteur, si la planche touche l’eau, on ne fait pas des ricochets comme en kitesurf. C’est un trou dans l’eau, un arrêt net, souffle Thomas Lombardo. C’est comme se prendre un mur. » Les athlètes jouent en permanence de leurs mouvements pour éviter au nez de la planche de toucher l’eau.
Vice-championne de France de kitefoil en 2021, Anaïs-Maï Desjardins connaît bien les risques de son sport. « Je navigue toujours avec un casque, une combinaison intégrale et un gilet d’impact, liste la sportive. On peut atteindre des vitesses à plus de 60 kilomètres heure. À cette allure, une chute ou une collision peuvent être très dangereuses. »
Le milieu cite souvent Yu Tonbi Sumitomo, un surfeur japonais. Novice en foil, il tente l’expérience en 2016. Une chute lui laisse une énorme entaille d’une vingtaine de centimètres de long sur le visage, entre la joue et le front.

Mais la prise en compte de ces risques est complètement annihilée par la sensation ressentie en vol. Comme une addiction. « Quand j’ai commencé, c’était une drogue. Je ne pouvais plus m’arrêter d’en faire, jusqu’à l’épuisement, se souvient encore euphorique Thomas Goyard. Aujourd’hui, je me contrôle mieux, mais j’en redemande ! »

Quand on est né une planche entre les mains, difficile de se limiter, d’autant plus quand on a trouvé le moyen de décupler les sensations. La légende du surf, Laird Hamilton, résume en une phrase la pensée de tous les foileurs.
« Je vais plus vite que je ne l'ai jamais été, pourquoi voudrais-je m’arrêter ? »